Pourrais-tu te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas ?Je m'appelle Camille, j'ai 34 ans, j'habite dans le sud à côté du lac de St Férreol (11) avec mon conjoint et ma petite fille qui vient d'arriver. Je suis actuellement sans emploi mais j'ai été éducatrice, factrice, saisonnière dans une coopérative agricole où j'ai rencontré mon compagnon ; j'ai aussi travaillé 2 ans dans une serre d'acclimatation de poissons tropicaux (Les Etangs d'Occitanie, plus spécialisés dans les carpes koï ) et j'espère pouvoir travailler à l'avenir en lien avec ma passion... Et j'aime me balader dans la nature, surtout quand il y a des curiosités à voir (grottes, ruines etc) et des cailloux et des bouts de bois à ramasser ! J'aime aussi passer du temps sur réseaux sociaux et forums pour partager autour de l'aquascaping et de l'aquariophilie en général.
Peux-tu nous décrire ton parcours en aquariophilie-aquascaping ?J'ai débuté avec un bac d'occasion de 120l , début 2012, dans l'idée de me faire un petit jardin aquatique (n'ayant pas la main verte avec les autres plantes, et ayant déjà eu un bac à l'adolescence qui fut un échec cuisant niveau poissons...).
Je me suis donc de suite inscrite sur un forum (aquariophilie.org ) pour apprendre les bases, et j'y ai trouvé bien plus... J'ai pu y croiser des personnes de diverses expériences qui m'ont beaucoup appris, tant en aquariophilie générale qu'en aquascaping. J'ai commencé à m'équiper et à faire mes premiers essais avec les plantes et une population amazonienne (Paracheirodon simulans, Corydoras trilineatus) que j'ai toujours... J'ai bien dû faire et refaire ce bac une dizaine de fois en 3 ans...
Puis j'ai déménagé et acquis un bac de 200l ainsi qu'un de 60l (mais vendu le 120l...), j'ai aussi hérité du 30l de mon conjoint que j'ai pu refaire à ma guise... mais en général je me concentre sur un seul bac pour faire des concours, les autres restant plus faciles d'entretien même si j'y recherche une certaine esthétique... Vous pourrez donc voir ces bacs dans les années précédentes de la galerie du CAPA. Actuellement j'ai revendu le 200l pour acquérir prochainement un 250L en verre opti white, mais j'ai encore le 60l et le 30l...
Depuis le début je cherche à progresser, j'avance à mon rythme. A chaque nouveau hardscape je travaille sur les points faibles du précédent. Je suis également attachée au bien être de mes poissons et je leur offre les paramètres optimaux mais j'ai de la chance d'avoir une excellente eau au robinet, ça ne me demande guère d'efforts d'adaptation...
En 7 ans, j'ai été confrontée à toute sortes d'algues et de bestioles bizarres, mais j'ai la chance de ne jamais avoir eu de gros pépin... En revanche il m'a fallu longtemps pour trouver la fertilisation qui me convienne (ou qui convienne a mes bacs...). Je pense qu'il est plus important de comprendre la systémique d'un bac, les interactions qu'il y a entre les différents éléments, que de chercher à tout maîtriser ou à faire la couse au matériel high tech...
Peux-tu nous parler du processus créatif qui sous-tend la conception de tes bacs en aquascaping ?J'ai toujours ramassé mes décors morts (bois et pierres) dans la nature, du coup un nouveau bac vient souvent avec une/des nouvelles pièces que j'ai envie de mettre en avant. Je cherche d'abord les meilleurs points de vue de cette/ces pièces, ensuite je teste hors bac des arrangements qui peuvent fonctionner. Je passe ensuite au papier : je fait des dessins en me basant sur les « règles » en aquascaping (nombre d'or, type de construction (triangulaire, convexe, concave...), 3 plans...), en essayant d'intégrer mes décors et m'inspirant de paysages que j'ai pu voir dans la nature ou dans d'autres bacs, et en travaillant les défauts du précédent bac (en l'occurrence la profondeur pour celui là).
Ensuite la réalisation... En général je sais donc à peu près ou je vais, mais je fait des point régulièrement : une photo bien centrée pour vérifier qu'il n'y ait pas de défaut qui me saute aux yeux, et un avis bien avisé de mon mentor Eric Bonnaud, mais aussi d'autres aquascapeurs. Du coup souvent c'est là que je m'écarte de l'idée originale, parce qu'il y a des trucs qui ne fonctionnent pas ou qui seraient mieux autrement... La critique et un point de vue objectif me sont nécessaires pour avancer. Les photos aussi, surtout quand on vise les concours, c'est essentiel ! Faut pas oublier que c'est sur photo que se passent les concours, donc il faut y penser dès le début.
La plantation est généralement plus ou moins réfléchie au stade papier mais s'adapte aux évolutions du hard... Ensuite je laisse pousser quelques mois, le temps que les plantes se développent et que le bac se stabilise, puis une fois qu'on se rend compte du rendu avec les plantes, je m'attaque aux grosses modifications à faire pour améliorer, et enfin 2/3 mois avant les concours je peaufine tous les détails, j'entretiens très régulièrement, j'ajuste chaque plante, chaque racine etc
Mes points forts... Je dirais l'expérience... A la base bien sûr, il y a l'envie, la curiosité et une certaine créativité, mais ni plus ni moins que d'autres... Mais mes 7 ans d'expérience me permettent déjà d'avoir une certaine culture visuelle de ce qui a été fait en aquascaping, quand on débute on a tendance a s'émerveiller devant le moindre bac un peu arrangé, a la longue on devient plus exigeant, plus critique, autant avec le travail des autres qu'avec le sien. Ensuite j'ai pu apprendre les différentes techniques pour monter un layout, gérer les algues, fertiliser. Je sais mieux entendre la critique et adapter mon bac en fonction des retours. Il y en aura toujours à apprendre, et c'est ce qui fait que ça m'intéresse toujours autant, mais j'ai mes bases...
Mes points faibles c'est sans doute toujours m'obstiner à vouloir garder une partie au moins de mes plantes d'un bac à l'autre plutôt que de choisir une plantation qui colle vraiment... Et d'être un peu fainéante, ce qui fait que je produis moins de bac que d'autres, et donc je progresse moins vite... Le fait de faire et refaire permet vraiment d'avancer.
Je reviens sur tes sources d'inspiration. Y a-t-il des domaines artistiques qui sont en articulation avec ta pratique de l'aquascaping ?Bien évidemment, je pense aux arts plastiques mais possibilité d'aller vers la nature ou l'observation-analyse d'autres aquascapeurs. Ne pas hésiter à mettre des « anecdotes »...
J'aime tous les arts, je suis friande de ce que l'homme peut faire de plus beau, je peux m'interesser autant à l'architecture qu'à la peinture, à l'ébénisterie, aux wabikusa... j'aime tout particulièrement quand d'un artisanat quelqu'un peut élever ça à un
art.Je sais pas si c'est en lien avec l'aquascaping, mais je suis une grande curieuse, tout m'intéresse.
Et sinon j'aimais beaucoup à mes débuts avec mon « mentor » Eric (encore lui! ) discuter autour d'un bac : quand les résultats des concours sortaient, on se montraient des bacs qu'on aimait bien et on décryptait ses points forts, ses points faibles, on cherchait ce qui aurait pu être amélioré etc.. on se refaisait notre classement un peu... c'était marrant mais aussi instructif ! Ça a développé mon sens critique...
Peux-tu nous en dire plus sur la partie technique de ton bac ?C'est un 100x40x50 en verre classique, avec un filtre de 900l/h (insuffisant..), un éclairage T5 de 4x39W (satisfaisant) et ajout de CO2. Je tourne a 100 % eau du robinet vu que j'ai la chance d'avoir une eau a GH5 KH4, j'ajoute un peu de tourbe dans le filtre pour descendre mon pH vers 6,5/6,8. Pour le sol, j'ai, n'ayant pas besoin de sol technique, j'ai choisi le flourite black sand et je fertilise au KNO3 principalement, et un peu de PO4, fer et Kalium, pas d'oligo ni trace.
L'entretien se résume à des changements d'eau d'environ 30 % tous les 15j, la fertilisation 2 fois par semaine, et une taille quand il y a besoin, environ 1 fois par mois... sauf les 2 derniers mois où je m'affaire vraiment à sculpter mes massifs et mousses et à arranger le moindre truc de travers. Je le fais avec plaisir, c'est un moment pour moi et je suis récompensée par le résultat. La clé sur ce bac (et sans doute sur les futurs) a été de revoir ma façon de fertiliser, bien doser les macro et freiner sur les oligo.
Le CAPA et l'aquascaping s'inscrit dans une tradition de concours. Qu'en penses-tu ?Pour moi la participation aux concours est essentielle pour se perfectionner. Outre le fait de montrer son travail , d'en être parfois récompensée ( avec une joie toute particulière cette année vu le voyage à Lisbonne !! Un grand merci encore aux juges, sponsors et surtout skaii and shrimps, et à l'équipe du CAPA ! ), outre le fait de pouvoir comparer son niveau à celui des autres, c'est surtout la démarche qui est importante à mes yeux. Sans l'exigence que ça demande de préparer son bac pour la photo finish, jamais je ne pousserais mes bacs à leur apothéose, sans la photo finish, jamais je ne les immortaliserais au meilleur de leur « vie ». Les concours permettent de faire connaître l'aquascaping et de donner un nouveau souffle à l'aquariophilie, ils permettent aux aquascapeurs de se faire connaître au-delà des frontières, et ils permettent à chacun de donner le meilleur de lui même.
Le CAPA la dedans, je le suis depuis que j'ai débarqué dans l'aquariophilie, pour moi c'est LE concours français d'aquascaping, je le ferai tant qu'il se fera et que j'aurai des bacs.
Le CAPA est donc un concours français. J'entends parfois parler d'école française. Quel est ton point de vue à ce sujet ?Heu... je sais pas... je passe mon tour... ( je suis pas sûre de bien comprendre la question, mais si c'est sous entendu AquAgora = école francaise d'aquascaping pourquoi pas, sans doute même vu que c'est le forum le plus spécialisé en la matière en France, ça c'est sûr, mais moi j'ai toujours été beaucoup plus sur
aquariophilie.org alors bon.... Et dans tous les cas, est-ce toujours d'actualité avec la désertion générale des forums ???... )
Quel regard portes-tu sur l'aquascaping aujourd'hui ?Je pense qu'aujourd'hui l'évolution des techniques est telle qu'il est difficile d'innover pour démarquer là où quelques années en arrière quelqu'un qui apportait une technique nouvelle était à peu près sûr d'être primé... On est plutôt dans la surenchère (de lianes, branchettes, pierres collées etc) et on perd en naturel ce qu'on gagne en sophistication... Du coup apparaît aussi la mouvance d'un retour aux sources, à plus de simplicité... Personnellement, j'admire la sophistication et respecte le travail que ça demande quand elle reste au service d'un esprit d'aquarium naturel, j'aime pas quand ça ressemble trop à des maquettes, et j'aime tout particulièrement quand les poissons restent au centre du projet, qu'on a l'impression que le bac est pensé pour eux. Une population cohérente ça change tout. Quand l'aquascaping a commencé a émerger en France quelque 10 ans en arrière, il était décrié pour le non respect des poissons, surtout avec les iwagumi. Il me semble que les français n'ont justement jamais trop été versé là dedans, préférant plus souvent des styles plus naturels et plus rassurants. En revanche aujourd'hui je vois une jeune génération qui arrive sur les réseaux sociaux et se mettent tous à l'aquascaping , or beaucoup n'ont aucune notion d'aquariophilie, mais ils se concentrent plus sur les exigences des plantes que sur la maintenance des poissons, je déplore cela. Et je le déplore d'autant plus que s'ils prenaient le temps de comprendre comment bien maintenir des poissons et l'écosystème fragile que l'on reproduit dans un aquarium, ils sauraient mieux gérer leur scape.
Des projets pour 2019 ?Bien sûr.... On the road again pour le prochain CAPA !!