Le contraste des réactions est amusant.
Attention, tartine.
tenshu, tu as raison sur le fond sinon sur la forme. Ce n'est pas de la sélection naturelle au sens strict, c'est de la sélection humaine. Disons qu'au sens large, la sélection humaine est une forme de sélection naturelle.
J'ai eu en son temps des conversations très intéressantes sur le bien et le mal des aquariums et plus généralement sur l'intervention humaine dans la nature.
Je suis abonné à un panier de légumes bio. Chaque semaine, la coopérative agricole livre des paniers de légumes cultivés selon les normes bio suisses, très contraignantes sur la qualité des sols et des conditions de culture, dont de nombreuses variétés dites anciennes. Chose intéressante, nous avons un bon contact avec les agriculteurs, nous avons visité les cultures avec mes filles, et discuté de tout et de rien.
La saison des tomates commence tout juste, alors parlons-en. Ils cultivent près de 700 variétés de tomates. Il y en a plus de 3500, mais ils ne peuvent pas tout faire. La plupart de ces variétés ne sont pas "naturelles". Elles ont été obtenues par sélection durant des siècles. Un peu comme les chiens et les chats. Ou les poissons. Et il y en a vraiment pour tous les goûts : variétés de saveurs, de formes, de couleurs, de tailles. Il y en a des petites vertes boursouflées, des grosses noires joufflues, des moyennes trilobées jaune post-it, en grosses grappes, petites grappes, pas de grappe, des qui poussent en l'air, des qui poussent par terre comme des courges, avec des taches ou des rayures, ou sans...
Mais comme je le disais, ils ne peuvent pas tout faire. Et d'ailleurs, pourquoi ? Bien sûr, l'espace. Mais ce n'est pas là où je voulais en venir. Ils cultivent pas mal de variétés illégalement.
Hein ?
Beaucoup de variétés anciennes sont la propriété de grandes sociétés de semences, par le truchement de brevets, appropriations de taxons, etc. Des manoeuvres légales. Hélas. Et donc les propriétaires de ces variétés n'en autorisent pas la culture "sauvage", et pire, ne commercialisent pas les semences. Beaucoup de variétés ont disparu, purement et simplement tuées par les groupes agronomiques pour des raisons commerciales et de sélection de variétés "productives" (mais sans saveur), et pour des raisons de concurrence entre groupes.
Il y a une tolérance de fait en Suisse. Car ces agriculteurs pourraient perdre le label bio sur simple visite d'un inspecteur, et êtres poursuivis pour cultures illégales ce qui est assorti de lourdes amendes et même de peines de prison. Les propriétaires des variétés pourraient en sus les poursuivre et obtenir des paiements rétroactifs pour l'utilisation commerciale de ces variétés, sur des bases tarifaires arbitraires vu que ces variétés ne sont pas commercialisées. Ils feraient mieux de cultiver du chanvre, les peines maximales sont plus légères. Sans rire.
Bon, mais pourquoi est-ce que je raconte tout ça moi ?
Voilà. Ces groupes agronomiques sont le mal, n'est-ce pas ? Rendre illégal la culture d'une variété ancienne de tomates, voire faire disparaitre cette variété pour des raisons commerciales, c'est vraiment moche pas vrai ? Ces mêmes sociétés foutent un bordel inqualifiable dans des pays comme le Brésil, attaquent des cultivateurs qui cultivent des variétés locales de blé ou de maïs mais dont des variétés propriété de ces sociétés ont été trouvées dans leurs champs - par dissémination naturelle - pour les faire cracher au bassinet. Le mal !
Sauf que ces variétés de tomates ne sont pas naturelles. Elles sont le résultat de sélections humaines. Si elles disparaissent, est-ce un mal pour la nature ? Bricoler la nature en sélectionnant ces variétés, c'est un bien ou un mal pour la nature ? C'est plus facile de trouver des exemples où la présence et l'action humaine est une nuisance voire une catastrophe écologique que l'inverse. Donc faire disparaitre ces variétés non naturelles est une bonne chose, on diminue l'impact humain sur l'univers de la tomate.
On ne sait pas ce qui est bien ou mal. Il n'y a pas de bien ou de mal. L'homme fait partie de la nature, et les changements dont il est responsable sont des conséquences naturelles. Les éléphants dans leur milieu naturel, sans intervention humaine, peuvent aussi détruire tous les arbres et arbustes sur des dizaines et des dizaines kilomètres carrés. Et la Terre a vécu plusieurs extinctions massives d'espèces et rediversifications. Ce n'est pas nous qui avons zigouillé les dinosaures, dont la disparition a fait de la place aux oiseaux et mammifères.
Non, on ne sait pas ce qui est bien ou mal. C'est à nous de définir ce qui est bien ou mal, avec un gros risque de se planter d'ailleurs. Sommes-nous assez intelligents et sages pour dire ce qui est bien ou mal ?
Je les aime bien mes variétés anciennes de tomates. Même si elles sont toutes artificielles, sélectionnées. J'aime aussi beaucoup ma haie mixte fleurie toute l'année. J'ai fait crever quelques arbustes, parfois à plusieurs reprises, et tel le consommateur infantilisé j'ai acheté de nouveaux arbustes et tant pis s'ils crèvent aussi, je peux en replanter d'autres. Mes filles adorent se perdre dans le coin à framboises, cassis et raisinets et en ressortir le visage et les mains tous tachés et collants.
Ma grande fille a beaucoup appris de la mise en place de son aquarium, sur le cycle de l'eau, sur l'écologie des rivières et lacs, tout ça.
Beaucoup de plantes et quelques poissons sont morts dans le jardin et dans l'aquarium. Par notre intervention, non naturelle.
Ou peut-être que c'est naturel en fait. Je ne sais pas.
De plus, les mots d'internet ne devraient pas être pris trop au pied de la lettre. Les avis exprimés trop brièvement sont forcément incomplets et éloignés de l'avis réel. Le risque d'interpréter trop abruptement ou incorrectement est grand.
Bref, préférer des aquariums où la nature se débrouille avec le minimum d'interventions - changements d'eau, nettoyages, miam miam, trucs usuels - est tout à fait respectable, et je ne saurais dire si c'est plus bien ou plus mal qu'un bac aquascape trifouillé tous les deux jours, avec des doses de chimies importantes, des populations hyper sélectionnées tant en vertébrés qu'invertébrés, les algues détruites à l'aspirine et anti-biotiques. Dans les deux cas il y a intervention humaine et dans les deux cas il s'agit d'une création non naturelle qui ressemble à la nature sans en être et pourtant en en étant un morceau quand-même.
Bref. On n'en sait rien, et il vaut mieux ne pas monter sur nos grands chevaux.
Grand chevaux qui sont foutrement pas naturels et foutrement très très sélectionnés, d'ailleurs. Ce sera ma conclusion. J'ai faim.